Quartier Veritas
35, rue des Songes, appartement 4b. La bâtisse est située au fond d’une ruelle, certainement pas la plus belle de Veritas, mais qui bénéficie un peu du charme du quartier. C’est dans l’espoir d’obtenir un meilleur prix, en raison de la présence des étudiants du Collégium, que Josetta a choisi cet emplacement.
Toc toc.
Josetta se précipite vers la porte afin d’accueillir son invité. Invité dont elle a exigé la présence sans même connaître ses disponibilités, ou même son désir d’être là. Trop absorbée par son projet, l’excitation de l’aboutissement, mais aussi parce qu’elle n’envisage même pas que son ami puisse le lui refuser. Azur fait partie de sa vie depuis si longtemps, à la supporter, à l’encourager, à se démener pour lui faire plaisir.
Sans compter le fait qu’il est le modèle parfait.
La porte s’ouvre à toute volée. “T’es là !” s'exclame-t-elle, le sourire jusqu’au oreilles – ce sourire qui déforme son visage délicat, qui la rend momentanément moins jolie. Malgré ses yeux pétillants, on remarque ses traits tirés par le manque de sommeil. Elle est vêtue simplement, ses vêtements confortables trahissant une préparation sans la moindre attention portée à son apparence (ce qui est rare). Toute la nuit, elle a coupé, cousu, jusqu’à ce qu’elle ne supporte plus les piqûres d’aiguilles sur ses doigts.
Elle attrape Azur par le poignet et le tire dans l’appartement. Rien n’a vraiment changé depuis sa dernière visite : les pièces sont lamentablement vides, si ce n’est de quelques meubles et appareils indispensables, aucune déco sur les murs outre les ornements architecturaux. Arrivés au salon, on remarque l’état bordélique de la pièce. La table basse est jonchée de ses dessins, d’une tasse de café vide et un cœur de pomme ; ses outils de couture, des bouts et rouleaux de tissus sont étendus autant au sol que sur le canapé (il peut déjà oublier la simple idée de s’asseoir). Mais il y a, tout près de la fenêtre, un vieux mannequin de couture habillé d’une robe qui éclipse tout ce bordel.
Josetta relâche son emprise sur le poignet d’Azur et avance jusqu’à sa création, fière comme un paon. Il s’agit là de sa pièce la plus complexe et la plus aboutie jusqu’à maintenant. “T’as bien emmené les chaussures, j’espère?”
Azur aura sûrement deviné que noir, ce serait parfait.
Josetta a demandé à Azur de passer à son appartement, sans lui expliquer pourquoi. Une fois au salon, il comprendra qu'il s'agit d'une séance d'essayage pour sa toute dernière création.