Je subis cette cacophonie - feat Micaiah

trois fois par semaine, pas une de plus, pas une de moins. la charité dont elle faisait preuve rendait sa personne agréable et, son sourire, vertueux, faisait toujours plaisir à voir. les éclopés de tous l'avoué s'amoncelaient en ligne, zigzag et autres formations indistinctes, les uns à la suite des autres, devant les entrées des dispensaires, ouvertes comme des gueules béantes.

la charité, disais-je, n'avais probablement pas grand chose à faire avec sa présence ici. pieux mensonge, trois fois par semaine, peut-être plus, peut-être moins.
quoi qu'il en soit, personne n'était là pour se plaindre de l'honnêteté de ses intentions alors que son travail était toujours bien fait et qu'elle possédait, elle, de véritables diplômes.

sa blouse sur le dos, elle passait en revue l'armoire à pharmacie, lorsque que le haut parleur grésillant annonça une urgence. ses talons claquant sur un sol en mélaminé usé, elle arriva rapidement dans la salle d'attente où la jeune bénévole de l'accueil ouvrait des yeux ronds en désignant d'un geste de la tête une personne dans l'encadrement de la porte.

du sang s'était mis à couler sur le sol déjà marqué par des tâches aux couleurs indescriptibles, que des années de frottoir n'auraient jamais réussi à entamer. beaucoup de sang. Micaiah parcourut la distance qui la séparait de ce qui était vraisemblablement désormais sa patiente.

« Bäshnor est témoin, vous avez eu beaucoup de chances d'arriver jusque là en étant consciente. » elle sentait sous son bras le poids grandissant d'un être humain à deux doigts de vaciller hors de cette réalité... « Mia, fermez la bouche et aidez moi à asseoir madame convenablement » siffla-t-elle d'un ton vipérin. la jeune femme rougit et s'exécuta, manquant à deux reprises d'elle-même s'évanouir. Mica sortit d'une des poches de sa blouse de quoi nettoyer sommairement la plaie et évaluer les dégâts. le sang s'était épaissit par endroit, avait commencer à coaguler et la plaie était sale, pleine de poussière, de débris en tous genre.

« je m'appelle Micaiah, je vais m'occuper de votre blessure, j'ai besoin que vous m'expliquiez comment c'est arrivé. »
il fallait qu'elle parle, éviter l'inconscience était plus que nécessaire dans les conditions dans lesquelles elle se trouvait. personne ne l'aiderait à déplacer le corps inanimé massif d'une ouvrière de mine - à en juger par son apparences et la poussière sur ses vêtements.
Mia s'était retirée pour aller vomir....

l'explication qui vint était sommaire, visuellement riche mais frugale en mots. crack, avait-elle dit. crack le caillou crack. cette suite de mots reviendrait  dansant à l'arrière de son crâne, plusieurs jours après l'évènement. elle leur inventerais une petite chanson au rythme enfantin et à l'histoire cruelle.
mais pour l'heure il lui fallait s'en tenir à son rôle de médecin, et, les yeux toujours fixés sur la blessures.

la plaie était partiellement profonde, mais après un rapide examen de palpation, Mica détermina que les os de sa jambe n'avaient pas été touché par l'impact - plutôt, c'était la chair qui avait souffert.
écrasée, arborant la consistance d'une confiture épaisse par endroit, il y avait du travail. aucune artères majeures ne semblaient avoir été touchée non plus mais la perte de sang continuelle déplaisait fortement au médecin.

elle posa un garrot en urgence, améliorant partiellement la situation. la femme restait consciente malgré son état, une véritable force de la nature.
créature fascinante que celle qui rampe dans les boyaux noirs de la ville.

elle héla son aide d'accueil d'un ton sec et « appuyez vous sur moi, on va vous déplacer jusqu'au lit que vous voyez là. » elle pointa du doigt la direction à suivre. « à trois. un. deux... »
et à trois, soulever le corps meurtri. elle puait la sueur et la poussière, et Micaiah pouvait sentir la sueur qui s'était accumulée dans le tissu de ses vêtements après des années de dur labeur.

une fois en place, Micaiah continua de parler :
« comment est-ce que vous vous appelez ? » son ton de voix restait calme, tandis que ses mains s'affairait à déchiffrer la place de chaque chose dans la chair moite. « est-ce que vous avez un contact d'urgence ? » elle en doutait mais la maintenir éveillée restait sa meilleure chance de finir le travail rapidement. « est-ce que vous avez mangé dans les deux heures précédant votre accident ? »

nettoyer la plaie allait lui prendre un peu de temps mais elle se trouvait désormais relativement satisfaite par l'idée que le travail qui l'attendait serait fastidieux, sanglant mais foncièrement fascinant.

« très bien, enchanté Bill. »

ses mains gantées s'affairent autour de la plaie avec agilité et précision. muscles, nerfs, veines, couches de peau écrasées qui s'éparpillent - elle rassemble tout petit à petit.
le résultat ne sera pas beau, mais ce sera mieux que la situation dans laquelle la patiente se trouve actuellement.
du sang goute encore par terre, bien moins en comparaison à la quantité qui s'échappait en arrivant. Mia avait été envoyé en mission nettoyage afin qu'elle reste pas les bras ballants à l'accueil, toujours à deux doigts de tourner de l'œil.

« il est très exactement 10h23. » la plaie stabilisée devant ses yeux, elle se satisfait de son travail de précision et ajoute : « je vais retirer le garrot, la sensation risque d'être... bizarre. essayez de tenir le coup, je vous administrerez des anti-douleurs sous peu. »


elle sent que la femme vacille, que son corps tremble légèrement. elle se demande ce qui se passerait si elle enfonçait sa main entière dans la plaie. les lumières du plafonnier grésillent.
Micaiah lance un compte-à-rebours et détache le garrot, en espérant que sa patiente tienne le coup encore un petit peu.

Bill, elle a de la chance dans son malheur. elle aurait pu tomber sur l'un des vrais faux médecins qui s'occupent de certaines des permanences. elle aurait pu faire un choc septique, elle aurait pu juste mourir sur le chemin. dans sa réflexion, Mica se demande si quelque chose de plus grand surveille parfois les petites gens.

« je vous prépare une seringue d'anti-douleurs.» dit-elle en posant une main rassurante l'épaule de l'ouvrière.