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Les bénéfices du sacrifice

"L'espoir rend idiot parfois"

Certaines idées étaient parfois idiotes quand elles passaient par la tête, il le savait. Avec ça le bon sens se réveillait souvent pour dire de ne pas se laisser tenter ; de ne pas s'embarquer dans quelque chose qu'on risquerait de regretter. Marche arrière n'était pas toujours une possibilité -et pourtant ça ne l'avait pas empêché d'essayer.
Son chant chez lui existait toujours via l'obsession qu'il formait.
Difficile de dire ce que c'était :
espoir ou stupidité.

Après tout, qu'il soit sensé ou absurde, les êtres vivants avaient tous besoin d'un rêve auquel se raccrocher, non ?

Il ne tournait jamais beaucoup à l'intérieur du quartier de l'Avoué mais c'était pourtant là que l'idée lui était née ; la devanture d'une boutique qu'il n'avait jamais visité, qui avait malgré tout réussi à attirer son attention l'espace d'un instant et après ça impossible d'y arracher ses pensées. Pensées devenues parasites, à le hanter la nuit quand il n'arrivait pas à trouver le sommeil ou qu'il s'agitait. Les médicaments et traitement classiques ne pourraient pas marcher -ou plutôt on lui a dit que c'était peine perdue, inutile d'essayer.
Mais les plantes...?
Non,
non non non, on lui avait déjà dit que c'était impossible à sauver -que les cordes étaient simplement trop abîmées. Chanter il ne pouvait plus, mais parler il en avait toujours la capacité. Même limitée. S'il venait à trop pousser et que ça échouait, c'était toute la voix qui disparaîtrait. Mais d'un autre côté...

Toute la médecine -toutes les possibilités n'avaient pas été essayées.
Alors c'est comme ça qu'il s'était retrouvé à pousser la porte de ce petit atelier.
Et aussi étonnant que ça puisse paraître, la gérante ne s'était pas opposée -ni ne l'avait mis en garde- sur le projet insensé qu'il avait. Cette jeune femme aux boucles rousses avait même semblé très intéressée.
Mais pour autant, même s'il n'avait jamais été le plus futé -il avait bien conscience qu'il faudrait un miracle pour que ça puisse fonctionner. Ce n'était pas différent de trouver le bon médicament, et pour des cordes aussi fracassées que les siennes la solution viendrait sans doute à force de trop longues expérimentations. Si seulement un jour elle venait. Au fil des discussions ils en étaient venus à une idée, un échange de vivias et Azur était rentré.

Et aujourd'hui il repassait la porte de la boutique avec la mine fatiguée.
Peut-être aussi...
un peu dépitée.
Ses espoirs n'avaient jamais été vraiment hauts ; pas qu'il mettait en doute les capacités de la jeune femme qui avait bien accepté de l'aider, mais simplement qu'il connaissait trop bien ses cordes pour savoir qu'elles étaient difficiles à réparer. Quand même... il s'était attendu à ce que ça fasse un peu plus d'effet.

« - Mademoiselle Maggie...? »

Il n'était venu ici qu'une seule fois ; mais les douces fragrances de plantes et autres produits naturels diffusaient quelque chose d'agréable dans ses narines, apaisant pour un garçon habitué longtemps aux fumées des cigarettes et gaz des pots d'échappement.
Attendre ne fut pas très long ;
ou peut-être y était-il habitué tout simplement.
Après tout sa voix était si faible qu'il ne pouvait pas dire si elle l'avait entendu ou non.

« - Le... remède que vous m'avez fait, il a pas fonctionné. »

Un petit soupir alors qu'il lui remet la bouteille vide dans laquelle elle le lui avait stocké. De quoi prendre plusieurs doses pour quelques doses, utilisé tout entier...

« - J'ai eu... qu'un petit effet secondaire. À part ça... »

Il n'osait pas entrer plus dans les détails de ce qui n'avait pas marché ; après tout, ce n'était pas elle qui avait vraiment quelque chose à se reprocher. Et trop insister sur ses échecs n'était sans doute pas une bonne idée.




En passant devant la petite enseigne de Maggie un jour, Azur
a eu l'idée un peu absurde de lui demander un remède pour restaurer sa voix ; mais il vient la revoir pour lui annoncer que ça n'a pas fonctionné.
Azur
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Les bénéfices du sacrifice

Comme un jardin de pétales bleus

Maggie laisse échapper un grognement de frustration. Où donc a-t-elle pu ranger ce mortier ? Perchée sur son fidèle escabeau en bois, indispensable pour son mètre cinquante-cinq, elle commence à perdre patience en fouillant le sommet de son armoire sans succès. D'un petit saut, elle atterrit souplement sur le sol et traverse l'intérieur de sa petite boutique en quelques pas rapides, traînant l'escabeau derrière elle, avant de le placer devant une autre étagère. Elle poursuit là ses recherches, écartant les bocaux en verre alignés, chargés de racines, de fleurs séchées et d'herbes variées. Nouveau grognement de sa part : l'instrument n'est pas ici. L'herboriste se replie, dépitée, derrière le comptoir central. La tête enfouie au creux de ses mains, elle laisse finalement son regard dériver le long des murs. Quand soudain...

« Le voilà ! »

En l'espace de quelques secondes, deux évènements sans lien entrent en collision. D'abord, le regard de Maggie se pose sur le fameux mortier, étrangement placé au sol, près de la porte de l'arrière-boutique, comme s'il avait roulé jusque-là (mieux vaut ne pas chercher à comprendre comment). Puis, au même moment, une autre porte, celle de l'entrée, s'entrouvre, laissant se découper, dans son embrasure, une silhouette.

« Mademoiselle Maggie...? »

Bien sûr, le nouvel arrivant ne peut l'apercevoir tout de suite, cette dernière se tenant alors accroupie derrière son comptoir, les mains tendues vers l'outil tant désiré. Surprise par cette soudaine interruption, la touffe de cheveux roux sursaute. En un bond, Maggie se retrouve debout, le mortier au sol déjà oublié.

« Oui ! C'est moi ! »

Si Maggie semble d'abord ne pas reconnaître l'être devant elle (sa mémoire des noms et des visages étant assez catastrophique), il est clair que son interlocuteur connait son nom, lui. Un client déjà venu donc ? Maggie le scrute attentivement, ses grands yeux curieux plongeant dans ses pupilles azurées, puis se déplaçant vers ses longs cheveux, ses vêtements flambants, et chaque détail.

« Oh je me souviens... L'homme-bleuet... »

Elle sait à présent. Lors de leur première rencontre, il lui avait rappelé cette fleur sauvage qu'elle aimait tant, celle aux pétales d'un bleu éclatant. Elle plonge instantanément dans un moment de rêverie, peuplé de champs infinis de bleuets et de leur parfum enivrant. Un sourire grandit sur son visage. Mais la réalité la rattrape, rapide, brutale : le jeune homme pose sur le comptoir une bouteille en verre, vide.

« Le... remède que vous m'avez fait, il a pas fonctionné. »

Les yeux de Maggie s'écarquillent encore plus qu'ils ne l'étaient déjà.

« J'ai eu... qu'un petit effet secondaire. À part ça... »

Le remède n'a... pas fonctionné ? Un instant de vide envahit son esprit (un phénomène plutôt rare chez elle), balayant les champs de fleurs. Sa respiration s'accélère, ses mains deviennent moites et glissantes alors qu'elle saisit entre ses doigts le flacon déposé.

« Quel effet ? Décrivez-le moi. »

Murmure-t-elle dans un souffle, le regard fixé, toujours, sur le contenant en verre. En le faisant tourner dans ses mains, elle déchiffre bientôt l'étiquette rédigée et collée par ses soins il y a de cela plusieurs jours : Elixir pour les cordes vocales. Huuuuuuuu. Maggie prend une profonde inspiration, repose la bouteille et frappe ses joues des deux mains. Elle DOIT se ressaisir. Il y a une erreur quelque part, et certainement pas de son côté. Ajustant son sourire habituel, elle plonge ses yeux de bronze dans ceux, saphirs, de son voisin.

« Peut-être avez-vous simplement égaré le mode d'emploi que je vous avais attaché ? Oui, vous savez, le petit papier enroulé et ficelé que j'avais fixé au bouchon ? Ne vous inquiétez pas, je vais vous le réécrire immédiatement. »

Et déjà, elle se met en action, n'attend aucune réponse. La voilà qui commence par ouvrir un tiroir, en sortir une feuille vierge, légèrement jaunie, la poser (brusquement) sur le comptoir. Puis, c'est armée de sa plume, l'encrier à ses côtés, qu'elle commence à griffonner frénétiquement les notes qu'elle connaît par cœur.

« Oui... oui... Il fallait d'abord secouer la bouteille... doucement... et avant chaque utilisation ! Bien sûr. Puis 15 ml... trois fois par jour... ce dosage exactement ! Pas plus, pas moins ! Mais en dehors des repas, oui... Je dirais une trentaine de minutes après manger... Oui... Et surtout ! Surtout ! Le conserver au frais et à l'abri de la lumière directe. Oui, vous avez du l'exposer trop longtemps à la chaleur ou à la lueur des soleils ! »

Un point final et, ça y est, elle a terminé. Fièrement, elle tend les instructions à l'homme-bleuet, son large sourire dévoilant jusqu'à ses dents.

« Ne me remerciez pas, c'est bien normal ! Les papiers on les égare facilement... moi la première. Je vous apporte une autre bouteille, attendez. »

Elle sautille, tourne les talons, s'enfonce dans la pénombre de l'arrière-boutique (et trébuche sur le mortier en passant). Quelques bruits étouffés (dont certains non identifiés) plus tard, elle refait surface, enfin.

« Maggie, pour vous servir ! »

Et tandis qu'elle attend, le flacon tendu vers lui, elle ne peut s'empêcher d'imaginer des pétales bleus éclore, formant délicatement autour de son visage, une couronne de bleuets en fleurs.



Maggie se trouve dans sa boutique lorsque Azur arrive pour lui rapporter le remède. Surprise d'apprendre qu'il n'a pas fonctionné, et convaincue de n'avoir fait aucune erreur, elle décide de réécrire le mode d'emploi sur une feuille et propose à Azur une nouvelle bouteille de l'élixir.
Maggie
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"L'espoir rend idiot parfois"

« - Attendez, Maggie... »

Et puis il la regarde partir avec un soupir. Visiblement il n'avait pas été assez clair -ou peut-être avait-il justement trop parlé. Azur savait pourtant très bien ce qu'il disait... Il avait beau ne pas être un jeune homme très intelligent ou futé, il savait se montrer méticuleux et écouter les instructions qu'on lui donnait. Alors attendant qu'elle revienne, il contemplait avec consternation le papier qu'elle s'était donné la peine d'à nouveau rédiger. Ses yeux se plissaient ; les consignes étaient strictes, mais... pour quelque chose d'aussi important que sa voix, ça n'avait pas pu être quelque chose à négliger.
Même pour lui,
que la nonchalance arrivait souvent à rattraper.

Il avait compté les minutes jusqu'à la trentième après manger, dosé comme il le fallait pour être sûr de ne pas manquer ou déborder. Il l'avait laissé au frai, s'était assuré que pas même un millimètre de rayon de lumière ne puisse le toucher.
Et pourtant ça n'avait pas marché.
Mais il savait pourquoi ça n'avait pas marché ; c'était juste une fantaisie, un rêve bien plus dur encore que la lune à décrocher. L'espoir rend aveugle, ça ne l'avait pas empêché d'essayer.

Peut-être c'était toujours mieux que jamais...?

« - Merci... »

Finalement, il ne peut qu'accepter la bouteille avec un soupir ; mais après l'avoir fixée plusieurs secondes il se dit qu'il ne va pas suivre de nouveau ses instructions alors qu'elles pourraient de nouveau pas aboutir. Mieux vaut le lui dire -et peut-être chercher une autre solution.

« - Écoutez, j'ai pas perdu le papier. J'ai suivi toutes les instructions à la lettre, comme vous me l'aviez dit. »

Pour preuve, il le sort de sa poche ;
le pose sur le comptoir devant elle,
le déplie.
Soigneusement rangé, gardé, les instructions qui pourraient grandement l'aider n'avaient jamais été égarées.

« - Y'avait peut-être une dose trop forte de... je sais pas trop quoi. J'ai commencé à avoir des hallucinations légères et je pensais que ça allait mieux. J'me sentais pas mal du tout... Et ça me faisait presque planer, on va dire. La sensation de soulagement dans la gorge était là... Mais quand j'ai essayé, j'avais l'impression que ça se déchirait. J'ai peut-être... pas décrit assez correctement les symptômes... »

Mais une petite pointe de douleur tire sa gorge et il lui échappe une petite toux ; ce qui arrive souvent quand il parle beaucoup. Les mots n'ont pas le droit d'être trop nombreux, ne peuvent pas être trop nombreux -chaque audace abîme le peu qu'il lui reste de ces fragments d'autrefois, de ce précieux instrument qu'étaient ses cordes et sa voix.  
Pourtant,
pourtant il a appris à faire comme si ce n'était pas grand chose quand il tire trop sur ça. Alors qu'il sait qu'un jour ça lui nuira.

Encore,
un soupir.

Il pose à nouveau la bouteille devant lui, devant Maggie ; mais il ne la lâche pas. Des pensées qui traversent son esprit, il finit par se racler la gorge pour trouver la force de s'exprimer à nouveau.

« - Si vous voulez, ou... que vous me croyez pas... Je peux la boire devant vous. En respectant tout comme il faut. Et vous me gardez en observation. »

Azur était sûr de ce qu'il lui disait ; s'il avait manqué quelque chose la fois précédente, alors avec Maggie cette fois il ne risquait pas de refaire la même erreur -s'il y en avait une qu'il avait pu faire. Ils le sauraient... Si c'était lui ou le breuvage, s'il y avait quelque chose qui clochait.

« - Oh, euh... vous ne vous êtes pas fait mal ? Je vous ai vu... trébucher sur le mortier. Je pourrais toujours vous aider à ranger. »




Malgré sa perplexité, Azur laisse Maggie aller lui chercher une seconde bouteille mais finit par lui expliquer les soucis qu'il a rencontré. Comme alternative, il lui propose de prendre une gorgée d'elixir et de rester à sa boutique pour qu'elle puisse constater les effets avec lui.
Azur
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Comme un jardin de pétales bleus

La bouteille contenant la douteuse élixir change finalement de main. L'homme-bleuet accepte le présent, mais l'expression qu'elle lit sur son visage n'est pas celle d'une fleur épanouie.  Le soupir qu'il laisse échapper ne laisse plus place au doute : il y a définitivement une épine coincée quelque part.

« Écoutez, j'ai pas perdu le papier. J'ai suivi toutes les instructions à la lettre, comme vous me l'aviez dit. »

La note en question surgit d'une poche et vient appuyer ses mots, posée à présent sur le comptoir en bois ; aussitôt capturée par le regard cuivré de l'herboriste.

« Y'avait peut-être une dose trop forte de... je sais pas trop quoi. J'ai commencé à avoir des hallucinations légères et je pensais que ça allait mieux. J'me sentais pas mal du tout... Et ça me faisait presque planer, on va dire. La sensation de soulagement dans la gorge était là... Mais quand j'ai essayé, j'avais l'impression que ça se déchirait. J'ai peut-être... pas décrit assez correctement les symptômes... »

Mais Maggie est déjà partie. Ô pas loin non, elle n'a physiquement pas bougé d'un pouce après tout. Mais son esprit, lui, est ailleurs. D'abord elle n'entend presque rien. La voix de l'homme est lointaine. Elle résonne, se répercute sur les parois glacées d'un tunnel. Un tunnel ? Non, ils sont plusieurs. Maggie perd sa route, piétine à un croisement. Finalement ce sont les mots, qui se frayent jusqu'à elle un passage. Ils sont assourdissants. « Je pensais que ça allait mieux » ; « la sensation de soulagement dans la gorge » ; « des hallucinations légères » ; « j'avais l'impression que ça se déchirait ».

« Taisez-vous... »

Ce murmure, personne ne l'entend, elle le laisse s'échapper dans un souffle seulement.

Et puis, un bruit vient la sortir de sa torpeur. Une quinte de toux plus précisément. Alors, les ténèbres qui la retenaient captive s'estompent. Maggie est de retour dans sa boutique. L'homme-bleuet est là, lui aussi. Une si jolie fleur, comment la laisser faner ?

« Si vous voulez, ou... que vous me croyez pas... Je peux la boire devant vous. En respectant tout comme il faut. Et vous me gardez en observation. »

L'herboriste le dévisage sans cligner.

« Si vous le dites. Vous me faites penser à une fleur vous savez. Et les fleurs ne mentent jamais. »

Où se situe le mensonge ? La vérité ? Maggie a beau être confiante en ses compétences d'herboriste, a-t-elle pu se tromper quelque part ? Ou bien se fait-elle tromper maintenant ? D'ordinaire, elle n'accorde aucune valeur à la parole des humain·es. Mais qu'en est-il de celle d'un homme-bleuet ?

« En tout cas... Votre idée me plaît ! »

Garder un sujet en observation l'émoustille déjà, mais alors que le sujet lui-même en initie la demande ? Elle croit rêver ! Un petit rire franchit la barrière de ses lèvres, tandis qu'elle tourne à nouveau les talons en direction de l'arrière-boutique.

« Oh, euh... vous ne vous êtes pas fait mal ? Je vous ai vu... trébucher sur le mortier. Je pourrais toujours vous aider à ranger. »

« Un mortier ? Quel mor- »

Elle trébuche (une seconde fois) sur l'objet au sol. Ah oui, ce mortier... Comprend-elle alors. Elle revient bien vite aux côtés de son spécimen client en marmonnant qu'elle n'a rien pour le rassurer, un carnet de notes dans une main, un crayon dans l'autre. D'un mouvement de tête, elle désigne un coin de la boutique, où reposent un vieux fauteuil et une petite table en bois.

« Après vous ! »

Pressée de commencer l'observation, elle tente de contrôler un frémissement d'excitation, en vain.



Maggie se perd très loin dans ses pensées tandis qu'Azur décrit ses effets secondaires. Revenant à elle, elle accepte volontiers de le garder en observation. Voilà qu'elle l'invite à s'installer dans un coin de sa boutique.
Maggie
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"L'espoir rend idiot parfois"

« - Une... fleur ? »

Un clignement d'yeux, trois fois depuis derrière le comptoir -il avait l'habitude qu'on compare ses couleurs à une pierre précieuse quand on les voyait luire à la lumière mais à une fleur, ça, jamais. C'était plus simple, plus doux ; une sensation agréable, loin des extravagances auxquelles il était habitué.
Cela dit...
Quand il tournait et retournait les mots dans son esprit, il y avait une étrange impression qui restait -mais impossible de mettre le doigt sur ce que ça signifiait.

Quand il regardait Maggie, son environnement et sa façon d'être -sa maladresse et son inattention alors qu'elle piétinait une seconde fois le mortier-, lui se faisait la réflexion qu'elle ressemblait à une petite fée. Mignonne mais imprévisible et espiègle... Il fallait sans doute s'attendre à tout, même ce à quoi on était pas préparé.
Petite fée...
Ou petite sorcière ?
Peut-être qu'il avait lu trop de contes quand il était petit mais cet endroit c'était le genre de décor qu'on retrouvait dans une chaumière au fin fond de la forêt ; même si ce côté mystérieux et un peu ancien n'était pas si mal au milieu des quartiers de l'Avoué. Lui qui pensait qu'il n'aurait jamais plus besoin d'y remettre les pieds...

« - Je vous suis. »

À ces mots il lui emboîte le pas vers l'arrière-boutique, n'oubliant pas de se pencher sur le trajet pour récupérer le mortier égaré. D'un geste rapide, il le dépose un peu au hasard mais loin du chemin, loin de là où pourrait survenir un accident non-désiré. Et c'est en arrivant dans ce qui ressemblait presque à un espèce de petit salon que l'impression étrange revint le titiller ; d'un autre point de vue ça pourrait ressembler à...
...une expérience ?
Mais c'était sans doute ce qu'ils allaient être obligé de faire ; des tests, des expériences, s'ils voulaient trouver un moyen que ces fichues cordes fonctionnent.

En silence, Azur sort de nouveau le flacon ;
et bien qu'elles soient vivement gravées dans sa mémoire, il dépose à côté de lui sur la table le papier avec les explications. Maggie sera témoin, il ne pourra rien oublier, tandis qu'elle aura tout le loisir de le corriger.
Il inspire.

Secouer la bouteille doucement ; tout doucement. Pas plus de quinze millilitres, bien dosés, il s'assure qu'il n'y en a eu ni un de plus, ni un de moins ; tout ça après avoir grignoté quelque chose qu'il avait gardé dans sa poche, il a toujours une friandise. Il cherche la lueur approbatrice dans les yeux de Maggie -qu'elle voit bien qu'il n'avait jamais failli.
Et puis enfin,
il se laisse retomber le dos contre le dossier du petit canapé. Plus qu'à attendre et voir si ça faisait effet...



...eh ?

Il avait le regard dans le vague ; Maggie, qu'est-ce qu'elle disait ? Il ne faisait même plus vraiment attention. Combien de temps déjà, quelques minutes, quelques heures ? Son esprit était... un peu étrange ; comme ailleurs, mais bien, presque un peu trop apaisé. Évidemment sur l'instant, il ne se rendait pas vraiment compte, voulait juste profiter de cette sensation de plénitude que ça lui apportait. Pas d'angoisses, il avait l'impression que sa voix fonctionnerait, qu'elle l'écouterait ; l'impression qu'elle pourrait porter aussi loin qu'il le voulait.
Il eut un sourire idiot à cette pensée.
Presque au même moment où il reportait son attention sur Maggie, toujours affairée à l'observer, dans l'attente du moindre changement ou de la moindre manifestation qu'elle pourrait constater. Et d'un coup, voilà qu'Azur plissait les yeux -la fixait.

« - Maggie, vous avez... »

Il se lève, s'approche ; se penche, comme pour observer quelque chose de plus près. Il n'y a rien, et bien sûr que Maggie ne verra rien, mais Azur lui voyait.

« -...des fleurs qui poussent dans les cheveux. Des pâquerettes... C'est plutôt joli. »

Il n'y avait rien ; simplement les effets secondaires qui se manifestaient. Parce que si Maggie lui ordonnait de chanter à plein poumon ou de hausser la voix pour crier, elle réaliserait bien vite qu'elle était toujours aussi éraillée -cassée.




Une fois l'accord de Maggie donné, il la suit dans l'arrière-boutique et se met en condition pour prendre le remède. Quelques temps plus tard, le remède semble commencer à agir quand Azur plane et se met à voir des fleurs dans les cheveux de Maggie.
Azur
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Comme un jardin de pétales bleus

Maggie le rejoint bien vite, elle trottine quelques pas derrière lui. Son cobaye client semble tout aussi partant qu'elle à l'idée de jouer le jeu de l'expérience, et cela la ravie. Elle ne se pose pas trop de questions l'herboriste, ne connaît pas les règles du jeu lorsqu'il s'agit d'exprimer de l'empathie. Comment l'homme-bleuet se sent-il par rapport à cette voix qui refuse de porter ? A-t-il des craintes quant au liquide contenu dans le flacon, qu'il se résout à avaler suivant les indications fournies ? Maggie n'en a honnêtement que faire. Son propre plaisir égoïste, celui d'en apprendre davantage sur le maux en question, sur la manière la plus efficace et réjouissante de l'apaiser, et ce, dans son propre intérêt, voilà tout ce qui importe. Alors elle le laisse faire, l'observe ingérer l'élixir, s'affaler ensuite sur le canapé usé. Elle reste debout, mais son petit gabarit fait que, iels demeurent à la même hauteur. Et puis, elle se retrouve à nouveau à devoir lever les yeux pour les plonger dans les siens : car voilà qu'Azur se relève.

« Maggie, vous avez... »

Le voici qui accompagne ses mots d'une bascule en avant, pour s'approcher d'elle. Mais elle n'aime la proximité que quand elle-même l'initie, l'herboriste. Les Arcéen·nes, elle ne leur accorde aucune confiance, les considère comme imprévisibles et chargé·es de mauvaises intentions. C'est dans leur nature et c'est tout. Alors elle sursaute, Maggie, et elle fait un pas en arrière. Envers autrui, elle n'est pas du genre à se préoccuper des limites, mais en ce qui concerne les siennes, les barrières se dressent, hautes et infranchissables, entre elle et les autres.

« Maggie, vous avez... »

Sa gorge est sèche, elle est toute aussi prise au dépourvue qu'à son propre jeu.

« ...des fleurs qui poussent dans les cheveux. Des pâquerettes... C'est plutôt joli. »

Des... fleurs ? Maggie retombe dans ses travers, comprend le monde à l'envers. Elle interprète les dires au premier degré et, surprise, porte une main à ses cheveux, pour vérifier. Mais ses doigts ne rencontrent (évidemment) aucune feuille, aucune tige d'aucune sorte. Il n'en faut pas moins pour qu'elle se referme, l'herboriste, comme un pétale froissé dans la nuit noire.

« Qu'est-ce que tu racontes... »

Elle est à l'ouest, Maggie, elle a déjà oublié ce qu'iels sont en train d'accomplir. Elle ne pense pas à un effet secondaire, car elle ne pense à rien du tout. Elle a seulement l'impression que l'on se joue d'elle, encore une fois. Les êtres organiques ne savent faire que cela. Alors, au lieu de se montrer professionnelle, d'être là pour son client, pour le rassurer, pour trouver les bons mots, elle ne fait rien du tout. De frustration, elle resserre sa poigne sur le crayon dans sa main, et, sur le carnet à l'origine destiné aux observations, elle se contente d'inscrire colériquement : Les hommes-bleuets aussi sont des menteurs.

Et c'est ainsi que dans cette pièce se retrouvèrent deux êtres totalement instables, dont on n'aurait pu décréter en cet instant lequel des deux ne souffrait pas des effets d'une potion.



Maggie rejoint Azur dans la section d'observation de la boutique, prête à prendre des notes sur les effets du produit. Mais sous l'effet secondaire, Azur agit de manière décalée, que Maggie interprète au premier degré. Convaincue qu'il se moque d'elle, elle se vexe sérieusement.
Maggie
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"L'espoir rend idiot parfois"

Il ne se moquait pas ;
oh, non,
trop à l'ouest pour se moquer -il ne réalisait même pas ce qui lui arrivait.
Envahi par une sensation de plénitude comme si c'était la première fois depuis longtemps qu'il la ressentait, la potion réchauffait ses veines et les fleurs dansaient. Des pâquerettes dans les cheveux de Maggie et quand il levait sa main devant ses yeux,
des bleuets.
Sa gorge ne dégageait pas cette impression de lourdeur, ce sentiment que dès qu'il tenterait de hausser la voix trop haut, il serait terrassé par un éclair de douleur (à te tordre le corps, tu peux parler d'un malheur). Sa voix... à cet instant c'est comme s'il pouvait tout faire avec, que s'il parlait plus fort ou chantait à plein poumons elle renaîtrait de ses cendres, le passé comme mis aux oubliettes (inconscient Azur, la potion n'est qu'une illusion, la première étape accomplie mais pas les autres) et sa force plus en miettes.

Mais Maggie...
Maggie semblait vexée ?
Pourquoi ?

N'étaient-ils pas sensés... observer ? Ne voyait-t-elle pas ce qu'il voyait ? Azur était là, dans un état second, pour l'instant complètement inconscient de ce qui se passait (trop idiot pour réaliser qu'elle ne comprenait pas ton état non plus et que c'était pour ça qu'elle avait l'air contrariée).  
Alors
Alors il se redresse et il fait un pas vers elle ;
déterminé mais maladroit, il tend la main en pensant cueillir une fleur mais ne rencontre que de l'air.

« - Ah, j'y arrive pas... »

Un rire misérable, dans sa vision la pâquerette flotte mais il n'y a rien (oh mais heureusement les effets se dissiperaient bien assez tôt, ce n'était encore que quelques minutes -normalement pas jusqu'à demain).
Il soupire.
Non, au moins, il se souvenait...
Il se souvenait que l'un des buts de leur mission était de réussir à le faire chanter. Et à cet instant Azur, armé de sa voix encore endormie il se sentait tout puissant, capable de tout (incapable en réalité), prêt à tout. Il recule, fait signe à Maggie, demande l'attention, armé d'un sourire rassurant et déterminé, ce sourire qui dit « je vais le faire, je vais y arriver ».

Il toussote,
se racle la gorge
mais avant même qu'elle puisse se faire entendre, parce qu'il a eu confiance en une tonalité trop haute, qu'il voulait l'élever aussi loin qu'il le pouvait -pensait le pouvoir-, elle est morte aussi tôt. Il n'y a rien qui sort à la place, juste un hoquet étouffé, étouffé en petit cri de douleur alors qu'il porte ses mains à son cou (comme si tu suffoquais Azur, dans la souffrance que tu t'étais toi-même créé et que tu essayais de l'éteindre en sachant à quel point ça c'était vain).

« - Ah... »

Maintenant sa voix faible étaient perdue entre deux sanglots. Larmes au bord des yeux, il avait remis les pieds dans la réalité aussi brutalement, les effets pas encore dissipés mais au moins, maintenant, il réalisait.

« - Pour... pourquoi... »

Il massait encore sa gorge et ses yeux s'étaient fermés, pour chasser de sa vision les fleurs qui encore et encore dansaient -stupides fleurs, à lui faire croire que tout allait bien, que le mal s'était guéri enfin.

« - Ça allait... Ça allait... J'avais pas mal... Alors pourquoi je peux... pas... »

Il inspire, expire encore, tente de se reprendre, jusqu'à ce qu'il ne la sente plus, qu'elle ne vienne plus le tirailler. Maintenant il y avait le bourdonnement sourd dans ses oreilles mais au moins, il pouvait bouger -juste assez pour se laisser retomber dans son fauteuil, la tête dans les mains, les doigts sur les tempes à essayer de se soulager.

Remis les pieds sur terre,
avec toute la violence que l'échec avait.
C'était pas la faute de Maggie juste la sienne, à courir après ce qui était déjà perdu à tout jamais.




La potion parvenant au moins à lui donner la sensation de plénitude et de confort, Azur se croit capable de chanter ; mais il essaie de hausser la voix d'un coup trop fort et se retrouve très vite confronté à la douleur de la réalité.
Azur
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