Les nuages peuplant le ciel ;
ou ceux qui tapissent la mer d'albâtre.
« Le monde » au loin s'il y en avait un n'était qu'une immense fable, ayant alimenté les fantaisies d'enfant d'Azur jusqu'à ce qu'il en perde l'intérêt. L'Arceau leur donnait le meilleur confort dont ils pouvaient bénéficier, alors pourquoi vouloir s'embarrasser à le quitter ? Réfléchir à ce qu'il y avait dehors ne mènerait à rien si les réponses à trouver étaient au milieu du danger. L'inconnu... il faut savoir être prêt à l'affronter.
Pourtant parfois il ruminait dans son lit,
se perdait sur internet à retomber sur toutes ces histoires qu'il s'était décidé à ignorer -en tout cas c'est ce qu'il prétendait. Parce qu'il avait toujours été comme ça, la curiosité finissait inéluctablement par le rattraper.
Plus que les reste d'un projet les vestiges d'antan semblaient venir d'un autre monde, que l'abandon avait rendu à la nature et qui resplendissait de végétation. Pourquoi est-ce qu'ils n'avaient pas renoncé à l'idée de prendre un nouveau départ ; pourquoi tout abandonner sans la moindre raison à donner ? Ça aurait pu offrir des possibilités de s'étendre encore sur une île aussi grande -de peupler, de ne pas rester cloisonné. L'humanité dans les livres aimait s'élargir, là où celle de l'Arceau préférait rester confinée. Sans doute qu'au delà se cachaient beaucoup de dangers... Mais ici il était en sécurité.
Oui,
rien dehors qui puisse le concerner.
« Eh, l'urbex, c'était ton truc, non ? »,
et c'est comme ça qu'il était venu interpeller Horizon, quand la curiosité n'avait pas voulu s'apaiser.
Il ne s'était pas attendu à le voir accepter ; de quoi raviver son courage de s'aventurer en terres trop peu explorées. Mais qu'est-ce qu'il espérait trouver, au juste ? Il était persuadé que ce qui se trouvait derrière tout ça était bien plus complexe qu'un projet abandonné. Qu'il y avait quelque chose sous ce fond de brume inexpliqué -qu'un sort moins grave qu'on pourrait le penser a touché les malheureux qui ont osé y sauter.
Et peut-être...
Peut-être aussi qu'il voulait juste s'évader loin des murs qui l'enfermaient. Là où l'air sauvage et les façades brisées laisseraient résonner l'écho de ses cordes aussi loin que le vent pourrait les porter.
Quoi qu'il arrive,
personne ne lui en voudrait s'il découvrait un secret.
Les dalles inégales du sol étaient couvertes d'un tapis de mousse ou d'humidité ; certaines tenaient encore bien en place, d'autres avaient été délogées. Ça semblait si ancien, quand on voyait le lierre qui grimpait sur les briques de pierre érodées. On distinguait des tags ou quelques carcasses de voiture qui avaient déjà bien trop rouillé. Comme s'ils avaient mis les pieds dans une ville fantôme, à l'atmosphère adoucie par la nature qui la recouvrait. Il y avait dans toute cette ambiance une étrange mélancolie qui se dégageait -le genre de mélancolie si forte qu'elle touchait même quand c'était la première fois qu'on la rencontrait.
Mais ce n'était pas ça qui le retiendrait.
Azur jeta un coup d’œil derrière lui pour être sûr qu'Horizon le suivait ; sa guitare dans son dos, c'était stupide de l'avoir prise mais qu'elle soit à ses côtés calmait son anxiété. Et s'il avait l'occasion d'en jouer, son son porterait sans doute plus loin qu'à l'intérieur de bâtisses trop fermées. Le jeune homme fit quelques pas sur les pavés, à éviter les flaques et quelques déchets -il n'avait pas vraiment d'idées où aller, peut-être simplement là où son instinct le mènerait.
« - Par où est-ce qu'on commence ? »
Le musicien avait stoppé sa route pour se hausser sur une rambarde à proximité ; abîmée par le temps, mais qui semblait suffisamment solide pour supporter son poids léger. Ils marchaient depuis un moment maintenant, ils pouvaient bien en profiter pour prendre une pause de quelques instants. Horizon ne lui avait pas demandé ce qu'il était venu chercher, parce qu'Azur avait simplement laissé entendre qu'il voulait se donner des frissons à l'intérieur d'un endroit inexploré -découvrir de nouvelles choses et assouvir sa curiosité. Alors quand c'était de lui que venait l'idée c'était sans doute un peu bête qu'il demande à son partenaire où est-ce qu'il voulait aller, mais il devait aussi savoir ce qui l'intriguait.
« - On pourrait fouiller les rues d'abord... On aura sûrement pas le temps de tout parcourir en une journée. Mais pourrait y avoir des trucs intéressants dans les carcasses de voiture ou sous les tunnels. Après tout, tout a été abandonné. »
Dans ces ruines il n'y avait pas le fracas incessant des voix de la rue qui grouillaient ; juste le silence et le bruit du vent, qui laissaient sa voix se faire entendre comme elle le devait. Son murmure pas souvent audible, la seule façon dont il pouvait s'exprimer. Ceux qui ne savaient pas pour ses cordes vocales le prenaient juste pour un garçon timide, jusqu'à ce qu'on l'entende ou le voie râler.
Il jouait distraitement avec une mèche de cheveux alors qu'il réfléchissait ; ses yeux azur braqués sur l'immensité des bâtiments qui les entouraient. Pour une fois, il n'avait pas choisi de porter quelque chose de trop compliqué -juste un sweat à capuche et un jean pratique, aux couleurs peu susceptibles de s'abîmer à la moindre contrariété. De toute manière, qu'il le veuille ou non, impossible de faire disparaître sa délicatesse et sa féminité. Les mains appuyées sur la rambarde, il ne se souciait pas derrière lui du vide de la rue plus bas, ou de la possibilité de basculer s'il osait trop s'agiter. C'était si étrange, comme si la mélancolie des lieux l'apaisait.
« - On va juste éviter de s'approcher du trou géant pour l'instant. »
Parce que sa conscience savait que c'était loin d'être une bonne idée ; mais il mentirait s'il disait qu'il n'était pas ne serait-ce qu'un minimum intrigué.
Presque sur un coup de tête, Azur est soudainement pris de l'envie d'explorer les vestiges d'Antan, cherchant un moyen de trouver des réponses à sa curiosité. Il demande à Horizon de l'accompagner et une fois sur les lieux, il se pose pour réfléchir par où commencer.