[Séquence 0] Fragment 1 - L’enfant


Fin de la saison de la mousson de l'an 600



La Zone, c’était leur terrain à eux ; un dédale de ruines imbriquées, de bâtiments délabrés, que les adultes « de raison » préféraient éviter — mais pour eux, les enfants de l’Avoué et enfants « de la déraison », la Zone, c’était d’abord et avant tout le royaume de l’imaginaire et des grandes aventures. Les murs fissurés et les fenêtres brisées donnaient dans leur réalité sur les panoramas idylliques mais familiers de leurs rêves, où s’accumulaient précieusement tous leurs rires et souvenirs.

L’un de ces enfants courait d’ailleurs après ses amis, ses pieds abimés frappant un béton également endommagé, son rire éclatant dans l’air comme autant de bulles de savon. Il était le plus jeune d’entre eux — le petit frère, exceptionnellement convié par son aînée — et il ne souhaitait pas être distancé et risquer d’être oublié. Dans sa hâte, voyant son groupe disparaître au détour d’un couloir à l’étage inférieur, il ne réalisa malheureusement pas l’état de la marche d’escalier sur lequel il posa le pied. Tout d’un coup, le voilà qu’il basculait vers l’avant, suspendu dans l’air, au-dessus de toutes les marches ! Ses bras se projetèrent instinctivement devant son visage, pour se protéger de la collision qui semblait inévitable, et au moment où son corps aurait dû heurter le sol —

Rien.

Le garçon, aux paupières closes par la peur, les rouvrit tout doucement, avec une vigilance infinie, anticipant le pire. Mais contre toute attente, aucune douleur ne se manifesta à lui et aucune écorchure ne semblait non plus marquer sa peau. Il observa ses paumes ouvertes avec une grande confusion.

Pourtant —

Il se retourna, levant son regard vers le sommet de l’escalier —

Comment — ?

La voix alarmée de sa grande sœur s’éleva et se répercuta dans les couloirs de l’édifice qu’ils avaient fait leur terrain de jeu, son exclamation trahissant ses craintes en apercevant la figure au sol de son jeune frère : « Tu t’es fait mal ?! »

Il lui répondit, un sourire surpris — presque émerveillé — flottant sur ses lèvres : « Non, je me suis arrêté avant de toucher le sol, je crois ? » Sa sœur, accourue pour examiner d’éventuelles blessures, échangea un regard d’incrédulité et de curiosité avec leurs amis, qui les avaient rejoints en hâte. Mais, comme c’est souvent le cas chez les enfants, le besoin de se replonger dans le jeu effaça bien vite l’étrangeté de cet accident qui aurait pu se produire mais qui ne s’était jamais réalisé.

Peut-être avaient-ils simplement rêvé.
Peut-être que la chute n’avait jamais été si spectaculaire que ça.
C’était une explication qui était logique, qui faisait sens.
Leur jeu reprit.

(C’était pourtant le début de tout.)

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