Un réveil qui se veut difficile - Ft Micaiah

Tu les entends encore.
Ces voix qui supplient.

Tu les entends encore.
Ces cris qui demandent à l'aide.

Tu te réveilles en sursaut.
Tu n'entends plus que les passant matinaux qui parlent en dessous de ta fenêtre.

Tu prends un grand verre d'eau et tu te penches sur le petit balcon qui empêcherait n'importe quel inconscient de se retrouver quelques mètres plus bas. Tu écoutes le bruit de la rue. Tu t'enivres du brouhaha du quartier.
Tu es seule dans ton petit appartement ne contenant que 2 pièces bien ordonnées - habitudes d'Equilibre - et l'accès direct à ce quartier plus que vivace est une véritable aubaine dans ces moments.

Tu n'entends plus ces voix.

Cela fait maintenant quelques jours que tu es sortie de ton coma passager. Tes Frères et Sœurs ont bien pris le temps de t'expliquer ce qui t'était arrivé. Tu leur as juste dit que tu avais compris pourquoi Bäshnor a fait de vous des exilés, derrière cette mer de nuage. Tu ne leur as pas raconté tout en détail. Pas encore.

Toutefois, il serait mentir de dire que ton corps se porte à merveille. Tu as encore quelques séquelles physiques de t'être écroulé dans la montagne. Tu as encore un peu de mal à marcher tant, ta jambe te fait souffrir, et ton sommeil étant plus qu'incertain, le repos se fait très compliqué.

C'est dans ces conditions que tu as volontiers acceptée l'aide de ta nouvelle famille afin de te prodiguer les soins nécessaires durant quelques jours. Tu dois te remettre le plus rapidement possible afin d'aider les arcéens et arcéennes dans la quête du Pardon.

D'ailleurs, en te rappelant que tu as une visite d'un-e des médecins de la Lignée, aujourd'hui, tu laisse la porte entrouverte afin qu'iel ne se dérange pas à toquer.

Tu es toujours accoudée à ton petit balcon lorsque tu entends la douce voix de ta Camarade qui est entrée dans ta "demeure". Quiconque entre ici peut constater le parfait rangement qui a été opéré ici. Tout l'espace est optimisé et chaque chose semble avoir sa place.

La seule chose qui semble faire tache, c'est toi. Ta tenue. Beaucoup plus proche d'un habit de "traînage" qu'une véritable tenue comme à ton habitude. Un simple débardeur et un jogging.
* Te dégrades tu, Luzie ? *

- Oui, tout à fait ! Entre, entre !

Ton ton est jovial, serein, tu n'hésites pas un seul instant. Tu boites légèrement en t'avançant dans la pièce principale afin de pousser de sous la table une chaise avec un petit coussin. Tu t'assieds naturellement sur celle d'à côté, séparé par l'angle de la dite table.

Tu laisses la porte ouverte. Tu ne vois aucune raison de la fermer, tant que tu es à l'intérieur. Si des gens ont besoin d'aide, ils seront heureux de trouver cette ouverture.

- Souhaites tu quelque chose à boire ?

Tu es si familière. Tu emploies le tutoiement comme si ça avait été ta sœur de toujours.
* Pourtant, n'était-ce pas qu'une mission, à la base, de les rejoindre ? *

Tu te relèves doucement afin d'ouvrir un placard où se trouvent huit verres bien rangés, au millimètre près, à côté de six tasses parfaitement identiques. Tu en saisis deux et les poses sur la table, avant de te rasseoir, au cas où la réponse serait positive.

Tu sers l'eau, consciencieusement, dans chacun des verres, la carafes est fraiche. Elle l'est toujours. Tu as une forte préférence pour l'eau qui n'est pas à température ambiante, tu trouves ca bien plus désaltérant.

Tu regardes les instruments de ton interlocutrice, tu as l'habitude maintenant. Tu pose naturellement le bras gauche sur la table, vers elle, pour qu'elle fasse ce qu'elle a à faire.

- Et bien, elle me fait toujours un peu mal sur certains mouvement, surtout au niveau du mollet ou quand je veux aller trop vite. C'est beaucoup plus une gène qu'une forte douleur, mais cela reste quand même embêtant. Etrangement, tu souris. Mais, ce n'est qu'un prix dérisoire pour avoir vu la Vérité, tu sais.

Alors que tu es confortablement assise, tu te masse la cuisse, comme pour mieux faire circuler le sang. C'est une habitude que tu as prise depuis ton reveil, ca te soulage... un peu. Peut-être ?
* Ou est-ce un mouvement pour te rassurer *

Tu sembles perdue dans tes pensées, durant quelques longues secondes. Tu secoue la tête et tu te ressaisies.

- Que Bäshnor ne m'en tienne pas rigueur, mais je n'ai pas retenu ton prénom, pourrais tu me le redire ?

A vrai dire, tu as vu tellement de médecin ces derniers temps que tu confonds leurs nom.

Tu es là.
Assise confortablement sur ta chaise, dans ton appartement.
Tu tentes, en vain, de déchiffrer l'écriture de celle qui est venue t'examiner. Tu ne comprends rien.
* Es-tu sûre de ne rien comprendre ? Concentre toi. *

Le silence dans la pièce se fait lourd. De plus en plus lourd. Trop lourd. Il te pèse. Il t'assomme.
Tu clignes des yeux et tu lis. Encore.
Et tu comprends.

" Coupable. Pécheresse. Souffrance. Mort. Au secours. "

Ce sont les mots qui résonnent dans ta tête.
Ce sont les voix qui crient.
Ce sont les cris qui hurlent.
Le silence les a laissés entrer.

Tu reconnais ce silence. C'est la douleur fantôme, c'est le calvaire muet, c'est le désespoir invisible.

Tu souris bêtement alors que des larmes s'échappent de tes yeux.
Tu as mal. Ton corps se souvient de la douleur. Elle pulse au rythme de ton cœur.
Tu acceptes ce mutisme. C'est le Pacte silencieux que tu as passé, là-haut sur la montagne.

Tu n'es plus là.
Assise confortablement sur ta chaise, dans ton appartement.
Tu es ailleurs. Au milieu de toutes ces âmes noires qui se tordent de douleur sur les murs blancs. Elles appellent au secours. Elles crient dans le silence. Tu acceptes leurs peines alors que ton corps te fait souffrir.

Et d'un coup, le silence n'est plus. Comme si le vent l'avait emporté au delà de l'éternité. Comme si ce passage n'était qu'un rappel de ta promesse envers le dieu des Péchés.
Bäshnor te guette. Bäshnor te surveille.

Tu te retrouves face à cette médecin. Elle pleure.

Tu ne dis aucun mot, pour respecter sa peine.

Tu poses tes mains sur les siennes. Et tandis que tes larmes finissent de glisser le long de tes joues, dispersant ta douleur, tu lui souris. Ton regard en dit bien assez : Ca va aller.
 

Tu ne dis aucun mot, respectant le silence qui vient de s'envoler, trop touchée par cet instant hors du temps qui était... Qui était quoi ? Une menace ? Un rappel ? Un souvenir ? Un passage éphémère comme une tape sur l'épaule ou un coup de fouet dans le dos ?

Tu ne bouges pas, laissant tes mains glisser sur la table après que ton interlocutrice ait enlevé les siennes. Es-tu même revenue de là-bas ? T'es-tu remise de cet instant ?
Tu es stoïque alors que le monde bouge à nouveau, alors que le temps s'écoule.

Elle se lève, se rince, tente en vain de se remettre d'un événement qui l'a touchée, ça s'entend dans sa voix. Ca se sent dans ses mots grésillants. Ça se comprend dans le silence qui vient couper sa parole.
Tu ne réponds pas. Ignores-tu ces questions ? Sont-elles, même, de véritables questions ?

Tu te penches légèrement en avant, vers elle, en entendant ce murmure qui sonnait comme un cri dans cet apparemment si silencieux.

- Oui. Il a toujours été là. Proche de ceux qu'il a scellé ici

Tu te redresses. Comme si tu étais fier alors que ton cœur tente de se calmer. Il bat vite. Trop vite. Comme une réaction organique à un événement brusque. Comme une excitation après une heureuse nouvelle. As-tu peur ou es tu galvanisée ?
Tu t'essuies les joues humides, pour enlever toute la douleur latente qui s'est calmée avec tes larmes.

- Tu sais... Tu t'arrêtes un instant, tu regardes tes mains. Il compte sur nous, pour guider les pécheurs sur le chemin du Pardon. Tu regardes ta jambe abîmée La douleur n'est pas si importante quand on comprend tout le mal que l'Humanité à fait.

Tu es, en partie, rassurée. Tu n'es pas la seule à avoir vécu ce moment hors du temps. Tu n'as pas été la seule a avoir été extraite de ta réalité, par ce silence pesant.

Que Bäshnor nous guide.
Que Bäshnor nous aide.
Que Bäshnor nous pardonne.

Les arcéens ne comprennent pas. Ils ne veulent pas comprendre. Ils n'y arriveront pas tant que le gouvernement leur met des œillères sur la véritable condition de l'Humanité. L'exil, le bannissement, la mise à l'epreuve; tout ça est masqué par la non mise en avant de la religion. C'est d'ailleurs plus qu'une religion, c'est une ouverture d'esprit, c'est une comprehension de votre condition.

* Et toi, dans tout ça ? Qu'es-tu ? *

Tu hoches la tête avec un sourire radieux, aux paroles de ton interlocutrice. Le silence ayant englouti la réponse à ta question sur son nom, tu resteras ignorante, pour l'instant.
Elle a raison. Ils ont besoin de guides. Ils ont besoin de vous. Alors, il faut vous préserver jusqu'au moment où ils comprendront. Tu n'es qu'une porte-parole d'un mouvement de l'univers bien plus grand que toi. Bien plus grand que tous.

-Je t'en prie, fait donc. Honnêtement, je me sens plutôt bien.

Tu soulèves doucement ton haut, afin qu'elle puisse examiner ton cœur. Ce cœur qui bat anormalement, vite, comme si tu étais amoureuse ou stressée. Ce cœur qui n'a pas réussi à se calmer, qui est à plein régime, qui est plus que motivé à te faire vivre.

-Toi, ou moi, ou même notre Voix, nous sommes plus que des servants. Nous ne servons pas pour satisfaire les désirs d'une quelconque supériorité. Nous guidons, nous amenons les pécheurs vers le chemin de la Redemption.

Tu te laisses manipuler par la médecin, tu lui laisses écouter ton cœur affolé par l'excitation ou la peur. Tu n'es pas fourbe, tu ne caches rien, tu la laisses découvrir ce battement incessant qui n'a pas cessé depuis l'instant précédent.

- Les arcéens ont besoin de nous, bien plus que Bäshnor qui n'a fait que de nous mettre à l'épreuve. Chacun est concerné par la quête du Pardon.

À ces mots, ton cœur s'accélère encore un peu, comme effrayé ou motivé. Toi-même, tu ne comprends pas encore ces sentiments récents qui émergent, peu à peu, dans ton esprit. Comme si ce que tu avais vu là-haut n'avait fait que planter une petite graine qui prend de plus en plus racine.

Tu te laisses faire. Calmement. Gentiment. En pleine confiance envers ta Soeur, tu lui laisses le soin de t'examiner, de noter tes constantes et de se faire un avis médical sur ton état. Il faut bien l'avouer, tu n'es pas la plus à même de pouvoir constater de ton état, tu es encore là-bas, au moins au fond de toi. Ton âme tente, encore, de digérer la douleur au creux de ton cœur.

Tu apprends son nom, au détour d'un sourire innocent. Micaiah. Soit. Elle restera gravée dans ta mémoire, comme celle qui a effleuré le soupir de Bäshnor à tes côtés.

- Que Bäshnor les ait guidées vers la paix et le repos. Tu fermes les yeux un instant, une pensée pour ces fervents frères et soeurs.

Tu ecoutes attentivement les mots de ton interlocutrice, mais tu ne retiens rien. Ce n'est pas important. Ta douleur n'est rien comparée à la souffrance de l'Humanité. Tu te fiches de ton état, tu te sens bien. Tu hoches la tête aux mots "examen approfondi" "collègue".

- Oui. Pourrais-tu me donner son contact ? J'aimerais m'assurer qu'il n'y ait rien, tu as raison. Tu lui adresses un sourire. - Je te remercie.

Tu secoues la tête. Évidemment que ta santé est importante. Tu as fais une promesse. Tu dois la tenir. Tu ne peux pas te permettre de passer à coté de cette obligation surtout à cause d'une jambe en vrac. Tu restes assis. Tu ne sais pas trop pourquoi, mais parler de cette hypothèse d'un infection a lancé la douleur, tu n'oses pas te lever. Pourtant, la fatigue commence à peser sur toi. Les émotions du Silence ont attaqué sérieusement ta petite batterie qui peine à se recharger tant les nuits sont difficile. Tu t'endormira probablement ici, sur la table, une fois qu'elle sera partie. Tu ne te rends pas compte, mes les battements rapide de tes paupières sont comme un sos lumineux au milieu de la nuit.

- Que Bäshnor nous guide vers le chemin de la Redemption

Toute ta vie a basculé depuis les hauteurs de cette montagne. Toutes tes croyances ont été balayées d'une simple bourrasque. Tu as vu ce qu'il fallait voir. Tu as compris ce qu'il fallait comprendre. Tu ne prends pas encore toute la mesure de cet évènement. Mais ça viendra.

Il t'observe.
Il te voit.
Il te guide.

Tu n'es aucunement inquiète de la suspicion de ta médecin du jour. Tu sais que tes coreligionnaire sont compétents, tu n'en doutes pas un seul instant. Si un abcès se forme, il sera soigné au mieux. Et si Bäshnor est clément, alors, ta jambe n'aura rien de plus qu'une cicatrice qui s'estompera avec les années à venir.