in a cup of wine
[tw : mention d'alcool]
Le verre était déjà à moitié vide
(ou peut-être était-il encore à moitié plein)
Il y avait assez de place pour lui sur cette grande table -faite pour deux, attendant une personne qui n'était pas encore là. Azur n'était plus un adolescent pourtant mais il s'était laissé aller à ce que lui faisait faire l'ennui (et la tristesse) pendant cette période de temps. Bras croisés pour y blottir sa tête, à laisser son regard dérivé au creux du brouhaha qui l'entourait.
Il était pas là pour jouer ce soir au Fortuna -pas Ariel, pas Elliot, personne d'autre que lui pour être là.
Et elle était pas en avance
(ou peut-être que c'était juste toi qui était loin d'être en retard)
Un soupir
et il ne bouge pas, ses cheveux en cascade (bazar) comme une barrière contre le monde de chaque côté de son visage, on reconnaissait l'éclat de ses cheveux mais on ne le dérangeait pas -ce n'était pas difficile à comprendre qu'il n’était pas là pour ça. Il en avait commandé une, une seule bouteille alors même que l'alcool n'était pas son fort et il avait pas pu s'empêcher de commencer à la boire. Parce que ça le rendait curieux ;
parce qu'il s'était toujours demandé
si le cœur devenait vraiment plus léger avec un verre ou deux.
Mais à cet instant il avait juste la sensation que c'était un poids encore plus lourd qui pesait. Les pupilles lourdes, les pupilles concentrées, rivées sur la scène,
ce serait si facile de pouvoir de nouveau y chanter
un sursaut brutal comme un cauchemar dont il viendrait de se réveiller.
Les genoux cognent sous la table mais personne n'a daigné s'en soucier, parce que tout sous le vacarme se retrouvait étouffé. Chanter ? Sérieusement, comment pouvait-il encore y penser ? Il le savait pourtant, il n'avait qu'à emprisonner une voix au creux de sa gorge et tout le monde l'entendrait.
Il suffirait d'un geste,
d'une emprise,
(reprend ce qui t'as été volé)
(oh mais Azur, pourtant personne ne t'as jamais rien volé)
Azur ne comprenait pas d'où ça venait. Comme une anomalie qui s'était immiscé chez lui, il préférait croire que ça n'avait été que le délire d'une nuit plutôt que de se risquer à réessayer. Il mourrait pour qu'on l'entende à nouveau ; mais il devait étouffer ce cadeau empoisonné. Voler une voix, la faire sienne...
(le temps d'une chanson personne ne le remarquerait) mais c'est pas à moi, j'ai pas le droit (laisse-toi tenter) ceux qui comprendront en parleront et je deviendrais pas mieux qu'une bête de foire à chasser
Il aurait voulu que ce soit un mauvais rêve
(parce que tu as peur d'être rattrapé par ton envie et ton avidité)
« Oh, t'es là... »
à ruminer et se laisser surprendre par ses propres pensées, il n'avait même pas remarqué que Léo venait juste d'arriver. C'était pas le genre d'accueil qu'on réservait à quelqu'un qu'on avait pas vu depuis longtemps... surtout quand c'était elle qui l'avait recontacté en premier. « J'suis arrivé un peu trop en avance, désolé. » L'agitation le prend et ses bras s'empressent de faire de la place, il bouge la bouteille laissée en plein milieu de la table et son verre trop proche du bord -un miracle qu'il ne soit pas tombé.
Azur était pas très doué pour ça ; les foules, les rencontres, l'amitié. C'était juste quand il s'agissait de jouer ou de se montrer que ça le dérangeait pas mais en dehors de tout ça, quand il n'était que lui, il se laissait bien trop vite submerger.
(Surtout maintenant, tu es devenu bien plus fébrile depuis que tu sais qu'un simple geste de main pourrait tout chambouler)(et te mettre dans une position encore plus délicate que tu le voudrais)
Il était plus expressif d'habitude, les bras qui bougeaient plus,
et aujourd'hui
ils étaient sur sa poitrine,
fermement croisés.
L'ombre d'un faux sourire sur les lèvres alors qu'il aurait voulu se noyer dans sa morosité, les joues déjà taquinées par les rougeurs de l'alcool qui commençait déjà à l'affecter.
« Ça fait un bail », la voix qui tente de se frayer un chemin au travers du vacarme, il espérait qu'elle l'entendrait « ça fait longtemps que t'étais pas venue avant le dernier concert ». Ils s'étaient rencontrés comme ça, le groupe qui venait de se reformer, elle qui avait assisté à leurs concerts et souvent il en fallait pas beaucoup aux amitiés pour naître (mais c'était plus dur de les voir rester). Elle lui avait proposé après longtemps de se retrouver autour d'un verre et ils étaient juste sensés prendre des nouvelles et discuter ;
une fois encore
il avait fallu qu'il se laisse dériver.
« Tu deviens quoi, alors ? » quiconque l'avait connu un peu plus qu'un peu était capable de dire que la nervosité était toujours ce qui le faisait le plus parler, quand il essayait de combler les vides pour que le silence ne vienne pas trop à peser. « Moi j'ai... rien de très palpitant à raconter. Enfin peut-être ahah. Si on considère que c'est palpitant de se faire arrêter par les flics alors qu'on a rien fait. »
Oh et maintenant, je pourrais prendre ta voix d'un simple revers de main si je le voulais
mais ça il ne pouvait pas se permettre de le laisser échapper,
essayant de se convaincre
encore et encore
que c'était juste un mauvais rêve,
qu'il ne s'était rien passé durant cette soirée.
(Mais tu savais au fond de toi que c'était bien réel, c'était juste plus facile de pas l'admettre plutôt que de te laisser vriller)
Azur est arrivé trop en avance alors qu'il devait rejoindre Leo pour boire un verre au Fortuna ; il commence à boire en l'attendant mais toute la confusion qu'il ressent depuis son éveil ressurgit. Alors quand elle arrive, il essaie de cacher au mieux sa nervosité.