Singularité
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Petite livraison tout droit de la Mine pour que la Banque fasse sa magie et transforme ça en monnaie. Pour la première fois, elles doivent passer par la grande porte. Se feront-elles mettre dehors ? Braquées ? Ou la personne en charge du ménage mourra-t-elle d'un infarctus en voyant les traces des chariots partout sur le marbre ?

C'est pas comme si t'étais handicapée Bill mais le contremaître ne t'as pas laissé le choix, c'était passé en manut' quelques semaines ou l'arrêt complet de tes activités. Pas de rampage dans les tunnels avec ta jambe en compote qu'il a dit. "Je ne prends pas le risque" qu'il insiste. Comme si c'était pas dû aux risques inhérents à la Mine que t'étais dans cet état de base.
Bon ya quand même du bon dans tout ça, le boulot est moins bien payé mais ça reste grave plus tranquille. Surtout quand t'es en duo avec Madame Muscle, elle est drôle Arya, tu l'aimes bien. T'aimes surtout bosser avec elle, parce qu'elle est dure à la tâche et c'est un plaisir. Limite faut que tu te battes pour faire ta part du taf. Enfin bon, tu ne te bats pas vraiment parce qu'elle pourrait te supplex la tronche en moins de deux et que (j'insiste) tu l'aimes bien. Donc on ne se fâche pas avec elle (tu t'estimes encore un peu jeune pour mourir, la quarantaine pas passée).

Bref tu la suis un peu comme un toutou fidèle à amener la vivianite pas encore frappée jusqu'à la banque. Le destin voulant (ou plutôt ne voulant pas), il y a des travaux de voirie dans la ruelle misérable qui sert d'accès aux employés. Ni une ni deux, un petit détour avec vos chariots de 500 kilos ça fait toujours zizir.

C'est la première fois que tu débarques par la grande entrée et faut l'avouer ça en jette (de la monnaie). Tous les employés vous regardent de travers, tu fais de même. C'est pas trois coincés du cul qui vont te faire peur (enfin si un peu mais tu n'assumeras jamais d'être prise à la gorge par la richesse du lieu, par tout le bling-bling discret, par tous ces reflets de partout, ces surfaces lisses sans aspérité aucune comme un monde inatteignable).

Tu demandes à Arya qui gère normalement la scène :

"C'est qui ton contact ici ? Tu sais où est le bon guichet ?"
Bill
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Arya a l'impression qu'un pull de laine tissé de chardons lui enflamme la peau à l'arrière de la nuque. Et sur tout le reste du corps.
Elle déteste ce genre d'endroits, et elle se serait bien passé d'une entrée en grande pompe par la porte principale. A présent immobilisées avec leur chariot ridiculement lourd au milieu du hall, Arya et Bill sont l'objet de tous les regards. Le jugement immédiat porté par ces regards assombrit radicalement l'humeur d'Arya.
Elle sait exactement ce que pensent d'elles ces navets immaculés qui font office d'agents, mais aussi les clients assis dans la salle d'attente d'une blancheur aveuglante. Les vêtements maculés de poussière de mine, parsemés de tâches noirâtres dont on ne veut pas connaître l'origine - surtout dans le cas de Arya, qui est toujours trop préoccupée par l'idée d'impressionner avec ses gros bras, pour se rendre compte qu'elle les plonge dans des substances d'origine inconnue dont il vaudrait mieux se méfier - des deux minières sont loin d'impressionner.
Lorsque Arya aperçoit un client couvrir son nez d'un geste ostentatoire, elle voit rouge. S'il n'y avait pas eu la présence paradoxalement rassurance de Bill à ses côtés - oui, paradoxalement, parce que la folie de Bill est un écrin de sérénité dans un monde beaucoup trop codifié et rationnalisé au goût d'Arya - la colosse aurait déjà fait de la bouillie de ce joli nez pincé et capricieux.
Inspire un bon coup, se dit Arya. Tu as une mission à mener et une collègue à impressionner. Ce n'est pas le moment de craquer.
Alors qu'elle se concentre sur les jointures blanchies de ses doigts et s'efforce mentalement de desserrer les poings, Arya s'aperçoit qu'elle n'a toujours pas répondu à la question de Bill, qui la regarde avec insistance.
"Je connais uniquement le manutentionnaire qu'ils cachent à l'arrière, Siam, donc j'ai bien peur qu'on soit obligées d'adresser la parole à ces tas de bouse de rhinocéros albinos", répond Arya d'une voix forte.
Les tas de bouse immaculée en question froncent les sourcils et font la moue. Mais Arya n'en a clairement rien à foutre. Elle espèce secrètement que sa bravade a impressionné Bill.
Les deux minières poussent leur chariot sur quelques mètres supplémentaires, direction le 3ème guichet, que Arya choisit délibérément parce que l'agent qui s'y présente est celui qui offre le froncement de sourcils le plus impressionnant.
Lorsque Arya s'approche de lui et que son ombre commence à surplomber la silhouette du jeune homme dédaigneux, ses sourcils s'arquent en sens inverse. L'ancienne combattante apprécie de voir sa pomme d'Adam rouler sous sa peau et un léger glapissement s'échapper de sa gorge.
Le banquier assis derrière son bureau est obligé de lever les yeux très haut pour pouvoir s'adresser à Arya, si bien qu'il a l'air de gravir une montagne au fur et à mesure que son regard s'élève et que son teint pâlit.
Déjà lassée par la petite crevette, Arya promène ses doigts sales sur la surface lisse du guichet. Le jeune homme suit les traces qu'elle y laisse du regard, comme hypnotisé. Elle sait qu'il meure d'envie de nettoyer et elle prend plaisir à prendre son temps, sachant qu'il n'oserait jamais extraire son chiffon de son tiroir en sa présence démesurée.
"Va chercher Siam, on a de la came pour lui", grommelle Arya. La doyenne des arènes se retourne vers sa collègue, dont les grands yeux curieux contemplent toujours les lieux avec, semble-t-il, une pointe de fascination.
Arya réalise alors qu'elle a encore tout faux. Tu t'étais promis de faire des efforts, se morigène-t-elle en se détournant de Bill. Alors inspire à fond, et prouve au monde que tu n'es pas qu'un tas de muscles effrayant.
Arya inspire bruyamment, ce qui fait sursauter l'agent occupé à passer un coup de fil à Siam. Puis elle lui offre son plus beau sourire, à mi-chemin entre celui d'un requin et d'un zèbre. La pomme d'Adam de l'agent fait des allers-retours de plus en plus rapides. Arya ne comprend pas.
"Allez mon beau, on se dépêche, on a pas mal de cargaisons à donner à Siam et je ne voudrais pas contaminer ce sublime hall et ses adorables banquiers", murmure Arya d'une voix voulue douceâtre.
Le combiné échappe à la poigne du banquier, qui se répand en excuses et reprend sa conversation téléphonique d'une voix éraillée.
Arya soupire. Ses progrès en humanité sont décidément laborieux.
Dépitée, elle se tourne vers Bill. Bill, cette douce folie de 1m92 qui ne semble jamais s'offusquer des maladresses d'Arya. "Tu veux bien t'occuper des formalités ? Je crois que je vais me contenter de pousser le chariot. Il va falloir les persuader de nous laisser traîner le matos dans tout le bâtiment, mais ça dépasse clairement mes compétences...".

Arya est prise d'une envie de démonter pièce par pièce ce bâtiment et les expressions méprisantes de chacun de ses occupants, lorsqu'elle entend la question de Bill. Elle propose le 3e guichet, où un banquier facilement impressionnable les aidera à trouver Siam, le manutentionnaire de la banque.
Arya